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Photo du rédacteurL'Ovalie Média

Édito : vague à l’âme d’un blâme

Ce qui suit ne rentre pas franchement dans les codes les plus franchouillards à l’approche du rendez-vous rugbystique de l’année. Le Tournoi qui se profile, laisse un arrière-goût de nostalgie accablante à laquelle il a fallu se préparer, mais qui s’écrase inexorablement dans nos consciences à l’annonce des groupes de chaque nation : Jonathan Sexton et Owen Farrell, numéros 10 légendaires d’outre-manche, ne seront pas au cœur des vestiaires. Et pour ne rien vous cacher, cela nous attriste.


Owen Farrell, celui qu'on adore détester... Crédit Photo : Rugbyrama


Alors oui, je vous vois venir, ces pièces manquantes ne feront certainement pas défaut à la majorité des plus fervents supporters bleus. Mais néanmoins, avouez que la récitation du jeu irlandais par Jonathan Sexton ou encore l’insolence détestable d’Owen Farrell laisseront un vide dans le paysage international du 2 février au 16 mars. Mais quelque part, si nous les abhorrons, par leurs traits respectifs, c’est aussi parce que nous nous engouons d’eux, ces chers amis britanniques. Une rivalité incomparable, primordiale dans notre sport, sur laquelle on s’appuie pour se rassembler autour d’une bière, elle-même à la sauce « irish ».


Les premières querelles sont historiques, de clochers à clochers, de voisins à voisins, ceux qu’on déteste autant qu’on les estime. L’histoire de désamour entre le coq et la rose, si proches et pourtant diamétralement opposés, où chacun pense à tuer l’autre sans jamais vouloir divorcer, est l’objet d’une concorde et de guerres, aussi futiles que sanglantes soient-elles, depuis un millénaire. Ce Crunch, toujours accompagné de ses déclarations enfumées, d’une motivation surpassant la raison, reste d’une violence inouïe, marquant la peur de perdre, au risque de déshonorer le blason. Bien sûr, quand un garçon aussi talentueux qu’infect comme Owen Farrell est sur le pré, l’émulation monte d’un cran. C’est la cible facile ; il porte si bien l’arrogance anglaise au coin de son sourire narquois. On se complaît tant à le haïr sans jamais franchir la barrière du respect pour l’homme en lui-même. Et quand il n’est pas là, l’ambiance est différente, l’atmosphère se détend. Les plus rugueux trouveront toujours quelqu’un sur qui tirer, certes, mais ce n’est plus Owen le vilain petit canard. Ça devient donc moins amusant. Cette année sonne comme le moment où nous délaissons ce jouet qu’on a tant gondolé, retourné, martyrisé.



D’un autre côté, dans un tout autre registre, Jonathan Sexton va nous manquer parce qu’il incarne l’exact opposé de ce que nous revendiquons : un jeu robotisé, sur tableau noir, préparé minutieusement en amont du match. Un style programmatique qu’on aime tant critiquer malgré une efficacité sans nom. Il était la figure d’une rivalité naissante entre français et irlandais, se battant tous deux, presque sans concurrence, pour le titre final depuis trois ans. Une crainte pour tous dès lors qu’il était sur le pré. Le premier joueur à viser pour espérer déstabiliser toute une équipe. Doté d’une réussite arrogante et d’un sale caractère provocant, Sexton faisait partie de ces immenses têtes pensantes du Tournoi que tout le monde espérait voir à terre, faible et sans solution. L’un des noms qui nous laisse orphelins de nos batailles les plus frivoles.


Permettez-moi, donc, de vous faire part d’une certaine mélancolie, certes pour le moins patriote. La brebis galeuse quitte le troupeau, mais le berger en demeure quasiment triste. Paradoxalement.


Tylian Auriol

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