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Photo du rédacteurL'Ovalie Média

Rétro - Ep 4. Les « Boni »

Le rugby, fort de plus de deux cents ans d’histoire, garde en lui des anecdotes inoubliables, des équipes de légendes, des joueurs d’une rare classe. Ovalie Média vous propose une nouvelle série au cœur des entrailles de ce sport afin d’en revivre les moments les plus marquants. Épisode 4 : les « Boni ».

« Les Boni avaient une recette imparable : ils étaient deux », disait Jean Dauger. C’est l’histoire de deux cow-boys de la guerre, deux apprentis héros de 11 et 8 ans, qui s’amusaient à arrêter les trains sur la voie de chemin de fer de Montfort-en-Chalosse, petit recoin des Landes, sans céder.


Guy et André Boniface. Crédit image : AllezUnion.com


Dans la famille Boniface, ça a toujours été à peu près comme ça. Le cadet, Guy, résolument obstiné à rejoindre son aîné surdoué, André. Précurseurs du rugby moderne, portant les maillots numérotés 12 et 13 comme s’ils faisaient déjà la paire. Tous deux internationaux, ils ne comptabilisent seulement que seize sélections communes frappées du coq entre 1960 et 1966. Un bon vieux temps écourté sur la nationale 133, un soir de la Saint-Sylvestre 1967. Le coupé 204 de Claude Berkowitz trouve un arbre. Si les nouvelles ne semblaient, à la base, pas si mauvaises pour Guy, le feu follet du Stade Montois s’éteint le lendemain à l’hôpital sous les yeux de son frangin. On en oublierait presque les frissons que les deux Boni ont su transmettre.


André, le maquisard


Il était un insoumis, un mutin, un rebelle. Deux fois plus grand que les autres, il pouvait se permettre, ou plutôt refuser. André détestait défendre. Il était loin d’être un plaqueur irréprochable. Ce qu’il aimait lui, c’était attaquer. Il crée les concepts de décalage, de combinaison, de spectacle. Ses douze ans de carrière internationale suscitaient l’admiration, la classe, provoquaient la haine et nombreuses polémiques. André Boniface incarnait l’insurrection. Il cassait les codes et cristallisait les débats qui enflammaient un rugby français figé à l’époque. C’était l’attaque contre la défense, la beauté contre l’efficacité. Les tribunes se remplissaient pour voir Boni faire une croisée exquise, un faux pas flou, une feinte de passe envoûtante ou encore le geste de trop. Tout dépendait si on voulait le voir voler ou chuter. Refusant toute injustice, André Boniface s’est attiré quelques problèmes. Un après-midi de juin 1964, le Stade Montois affronte les Roumains de Grivita Rosie. L’arbitre exclut Boniface pour avoir sanctionné manu militari un adversaire en position de hors-jeu. André crie au scandale et ne se plie pas à la décision de l’arbitre et refuse et de quitter la pelouse. Le match est arrêté et André Boniface sera suspendu six mois.


Guy, l’esthète du french flair


Il s’est éteint trop tôt, Guy. 31 ans seulement. Et pourtant. Il était un de ces chantres qui, au moindre touché du cuir ovale, faisait frissonner un stade. Un éclair de génie qui délivrait toute une équipe. Les prouesses techniques, le beau jeu dont on lui attribue la paternité avec son frère. Il était vif, plein de vie, recherchant la liberté, jusqu’à l’ivresse. « Il est interdit d’interdire », voilà ce qu’incarnait Guy Boniface : l’exact opposé d’un jeu fermé, sécuritaire, mais sans génie. La liberté individuelle de chaque joueur primait sur le tableau noir. Guy était tout cela. La jeunesse éternelle du rugby du haut de ses un mètre soixante-quinze. Cette fougue, qui lui a permis de marquer quinze essais en trente-cinq sélections avec le XV de France, il avait réussi à en transmettre l’héritage, comme le symbole d’une figure immortelle, toujours présente.


Un vent de fin


Les frères Boniface avaient prévu de disputer leur dernier match international à Naples. Lors de ce Tournoi 1966, la France est invaincue et pense bien tenir la première place dans la tempête de l’Arms Park de Cardiff.


Crédit image : À l'encre violette


Il reste dix minutes à jouer et les Bleus mènent 8 à 6. Guy Boniface n’en finit pas de réclamer le cuir sur son côté. L’ouvreur, Jean Gachassin prend la défense galloise à revers et traverse le terrain. Si « Peter Pan » tape à suivre sur le centre montois, c’est gagné. Mais le jeu de main a ses raisons que la raison ignore. Le numéro 10 choisit d’ajuster une passe lobée par-dessus l’arrière-garde galloise. Mais ce ballon, trop flottant, se voit être repoussé par une bourrasque dans les mains de l’ailier Stuart Watkins. Quatre-vingt-dix mètres plus loin, le Pays de Galles reprend l’avantage 9 à 8. Le score ne bougera plus. Le comité de sélection, présidé par Roger Lerou et Guy Basquet, décide d’évincer de la sélection les Boni, soi-disant responsables de la défaite sur une action sur laquelle ils n’avaient même pas touché le ballon. L’histoire de passion, de beau jeu et de fraternité pas comme les autres des Landais s’arrêtait ainsi, à l’Arms Park de Cardiff.


Tylian Auriol

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