Dans la nuit de Saint-Denis, ce samedi 16 novembre 2024 au soir, le XV de France a glané sa troisième victoire en autant de rencontres face aux All Blacks sous le mandat de Fabien Galthié d’un petit point, 30 à 29. Le roman d’une soirée sublime proposé par Ovalie Média.
Le Kapa O Pango dans l'obscurité du Stade de France le 16 novembre 2024
Crédit : AFP
Nous touchions du doigt le majestueux, le « climax », le point culminant d’un sport sans égal. Dans l’élan romanesque de ce France-Nouvelle-Zélande propulsé hors du temps, le Stade de France, abritant ses 80 000 spectateurs, s’est mué en arène romaine comme nul autre stade aurait la capacité de le faire. Le rugby, érigé en sport national aux quatre coins de l’Hexagone, s’est muté en show spectaculaire à l’aune d’un match historique. Oui, parce qu’une rencontre contre les Kiwis n’est jamais anecdotique, parce que ces 80 minutes changent la vie d’un rugbyman et qu'une victoire face aux Blacks n'est jamais anodine. Samedi soir, le XV de France s’apprêtait à non seulement défier les hommes en noirs, finalistes de trois coupes du Monde sur les quatre dernières éditions (deux titres en 2011 et 2015, NDLR), mais aussi et surtout, à renouer avec l’amour d’un public tantôt déçu sportivement, et choqué des affaires extra sportives dont on ne tâchera point ici d’en résumer les tenants et aboutissants. Et ce dernier a répondu de la meilleure des manières avec un record d’audience pour TF1 avec un pic à 8,3 millions de téléspectateurs.
Il n’y avait qu’à voir la chaleur qui se dégageait des travées denisiennes lors l’avant-match, malgré le froid de la mi-novembre, pour comprendre que ce samedi soir n’était pas seulement un test match intrinsèquement « amical ». Dans une enceinte plongée dans le noir, La Marseillaise, a capella, chantée à l’unisson, éveillant les frissons les plus purs dans les cœurs bleus-blancs-rouges, résonnait, et ce, bien au-delà des limites géographiques de la plaine de la Seine-Saint-Denis. Vient ensuite le moment attendu, imaginé, sacralisé par le monde de l’ovalie. Deux rectangles lumineux, au milieu d’un stade garni de flashs de téléphones scindant l’obscurité, encadraient, telle une pièce de théâtre, un mur de 23 bonhommes bleus, impassibles, dressé devant le Kapa O Pango, le haka des très grands soirs. Si nombreux ont rêvé la danse macabre mythique, personne ne l’avait envisagée ainsi auparavant.
Une ode à la défense
Dans un duel d’une rare intensité, les vaillants Français — adjectif qui se confirmera tout au long du match — butent sur une défense bien organisée. Les Blacks se nourrissent des moindres erreurs bleues pour inscrire deux essais dans les 40 premières minutes. À quelques minutes de la pause, Romain Buros, lancé dans le grand bain pour l’occasion, aplatit son premier essai en bleu et rajoute encore un peu plus de sensationnel dans une soirée déjà irrationnelle à plus d’un titre. Les Blacks, sans grandes envolées, mènent de sept points (17-10). Les hommes du pays du long nuage blanc ont toujours les mêmes épaules bien noires.
Si les Bleus plantent vingt points en deuxième mi-temps, la victoire s’est construite sur une défense remarquable à toute épreuve. Ils y ont mis le cœur ces Bleus-là. Avant de l’essai salvateur de Louis Bielle-Biarrey qui permet aux hommes de Fabien Galthié de reprendre la tête, la défense française contient les assauts maoris pendant plus de trois minutes, amenant la faute de main black et l’essai tout en vitesse de l’ailier bordelais. Les multiples batailles proches de l’en but local ont étalé tout le savoir-faire de Shaun Edwards et la capacité à protéger un en but comme si une vie en dépendait. L’ultime ballon bloqué par toute une armée bleue a plongé Saint-Denis dans l’ivresse et l’allégresse au terme d’un scénario irrespirable. Un point sépare les deux équipes, et cette fois, la pièce est tombée du bon côté.
Une stratégie gagnante
A contrario des deux rencontres précédentes contre ces mêmes Tous Noirs, Antoine Dupont et consorts affrontaient une véritable équipe en forme. Si le match de 2021 avait été « fondateur » comme l’a répété le capitaine de ce XV de France en amont du match, il n’en demeure pas moins vrai que les visiteurs s’étaient présentés sur cette même pelouse du Stade de France comme une bête blessée, en reconstruction (les passages en Top 14 de George Bridge et Nepo Laulala, titulaires néo-zélandais de l’époque, le démontrent aisément). Différemment, les Blacks arrivaient sûrs de leurs forces après des victoires en Angleterre et en Irlande. Forcément, la stratégie de l’attaque à tout-va semblait démesurée.
Fabien Galthié, conscient du potentiel énorme des visiteurs dans leurs lignes arrières, s’est armé devant. Un banc en 6-2 pour densifier le pack et ainsi gagner la rude bataille des rucks et de la conquête. La polyvalence des hommes bleus-blancs-rouges a permis de s’adapter au jeu et maximiser les forces en présence avec Mauvaka en troisième ligne ou capitaine Dupont au poste d’ouvreur sur la fin. La dépossession n’a jamais paru aussi affirmée. Les Blacks ont conservé chaque ballon, parfois trop d’ailleurs. L’ensemble des ballons ne sont pas à jouer et on se dit que lorsque les hommes de Scott Robertson auront compris ce schéma, certes à contre-nature de leurs principes, ils seront vraisemblablement durs à battre.
Alors, en fin de compte, que reste-t-il ? Si la question de 2027 semble inappropriée au vu du contexte actuel, les échéances à venir et le besoin de titres pour cette génération arrivée à maturité, eux, sont bien d’actualité. Le Top 14 et son rythme effréné ne permettront sûrement pas une revanche l’été prochain, à l'autre bout du monde, entre « premiums » et ça pour notre plus grand regret tant la proximité entre les deux effectifs mériterait un acte II.
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