Depuis longtemps, le rugby a inculqué et valorisé le respect envers les arbitres comme une valeur fondamentale. De la formation des jeunes joueurs aux équipes professionnelles, le respect envers l'arbitre était une norme. Cependant, à l’heure actuelle, cette valeur semble s'éroder. Des comportements de harcèlement, de moqueries, et même d'insultes envers les arbitres se propagent sur les réseaux sociaux. Les cas d’agressions physiques se font, eux aussi, de moins en moins rares.
L’arbitre français de TOP 14 Mathieu Raynal (©Icon Sport)
Dans le rugby, l'arbitre est le maître du jeu. C'est à lui de trancher lorsqu'une faute est commise et de réguler le rythme du match. Chaque arbitre opère selon ses propres interprétations des 21 lois édictées par World Rugby, ce qui peut varier d'une compétition à une autre. Arbitrer un match de rugby est une tâche complexe, avec un flux continu de décisions à prendre dans des délais très courts, face à des joueurs et des supporters souvent passionnés, voire trop parfois.
Il est primordial de respecter les décisions de l'arbitre. Bien que les critiques envers les arbitres aient toujours existé, elles semblent prendre de l'ampleur ces derniers temps. Il est crucial de se rappeler que derrière la tunique rouge, bleu ou noir se trouve un être humain, sujet aux émotions. Les insultes et les critiques incessantes peuvent avoir un impact considérable sur eux, même s'ils ne sont pas toujours en tort, ou du moins, pas intentionnellement. Un exemple marquant, celui de l'arbitre anglais Tom Foley qui a décidé de mettre sa carrière internationale entre parenthèses en raison d'un « torrent de critiques et d'insultes en ligne » reçus après avoir officié à la vidéo en finale du Mondial 2023.
Le capitaine des Bleus, Antoine Dupont, réagit à une décision de l'arbitre Ben O'Keeffe lors du quart de finale de la Coupe du monde contre l'Afrique du Sud, le 15 octobre 2023. (FRANCK FIFE / AFP)
Des violences qui montent en gravité
Les violences, autrefois principalement verbales et tolérées dans une certaine mesure, ont pris une tournure inquiétante dans le rugby amateur ces derniers temps. Un exemple frappant de cette évolution s'est produit lors d'une rencontre de Régionale 2 à Toulon le 18 février dernier, où un jeune arbitre de 19 ans, Simon Lloret, a été agressé physiquement par un joueur du Racing Club du Las. Effectivement, après avoir sifflé une pénalité à 5 minutes de la fin du match, un des joueurs du RC du Las n’a pas apprécié la décision du jeune arbitre.
« En se replaçant, ce même joueur m’insulte et me dit : Ne t’inquiète pas, je vais te ramener à ta voiture. Je lui donne alors un carton rouge, sans aucune hésitation. Je me dirigeais vers le centre du terrain quand j’ai reçu un coup-de-poing par-derrière au niveau de la mâchoire. Je suis tombé, KO », explique Simon à Nice-Matin.
Cet acte d'une rare violence a profondément choqué Simon, bien qu'il affirme vouloir continuer à arbitrer malgré cette expérience traumatisante. La Ligue du Sud a réagi en prenant la défense de l'arbitre et en suspendant l'agresseur en attendant une commission de discipline. Ce dernier, déjà coupable de gestes similaires par le passé, devrait, selon certains, être banni à vie des terrains.
Cette tendance inquiétante s'accompagne d'un manque de respect croissant envers l'autorité de l'arbitrage autour des terrains, comme le souligne chez Actu Rugby Franck Maciellio, responsable des arbitres français « Nous observons toutefois une très forte hausse des contestations lors des rencontres, aussi bien chez les pros que les amateurs, où l’on s’éloigne clairement des valeurs cardinales de notre sport ». Chez les professionnels, les contestations envers les décisions arbitrales se multiplient, malgré une règle claire limitant les échanges au capitaine durant le match. Cette attitude ne fait pas honneur au jeu et ne donne pas le bon exemple aux générations futures.
Pour contrer cette dégradation, la fédération a décidé de sanctionner chaque mauvais comportement par une pénalité. Cette mesure a déjà été mise en œuvre, et certains arbitres, comme Thomas Charabas, sont particulièrement vigilants à ce sujet, estimant que le respect envers l'arbitre doit être restauré rapidement dans le rugby.
L’arbitre Thomas Charabas mettant un carton jaune lors d’un match de TOP 14.
© Crédit photo : XAVIER LEOTY
Il est impératif d'agir rapidement pour préserver les valeurs fondamentales de notre sport. Cela passe par le rétablissement d'un respect hiérarchique entre les joueurs, les capitaines et les arbitres. Les joueurs professionnels ont un rôle crucial à jouer en montrant l'exemple à la télévision, mais chaque niveau, du national au régional, doit s'engager pour prévenir tout acte de violence physique et rappeler que l'arbitre reste un être humain et que l'erreur est humaine.
Hugo Cardi
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